— Mat Fauve
C'est fou le nombre d'endroits où je ne suis pas.
Par exemple, là. Je n' y suis pas.
Je ne suis pas sur la photo.
Je ne suis pas dans tes souvenirs.
Je ne suis pas sur ton bureau, assise parmi les carnets, tasses, papiers, plumes, coquilles d'oeufs, tiges, moquette bleue poilue, et autre bric-à-brac qui encombre tout l'espace.
Je ne suis pas sur ton parquet, à côté des plantes séchées, des bottes, du sac plastique.
Je ne suis pas à Paris avec Frédérick Rousseau, ni en Russie avec Tchaikovski dont il joue l'une des mélodies du Casse-noisette.
Je ne suis pas au Mexique, là où tu as appris à dire merci, même si c'est essentialiste, raciste, ou de l'appropriation culturelle de dire ça, je ne sais plus.
Je ne suis pas au Japon, là où, moi, j'ai appris à revivre.
Je ne suis pas dans les fleuves d'Inde ou d'Indo-Malaisie, comme le gavial, avec lequel tu me comparais parfois, quand le désir rétrécissait mes pupilles et faisait briller mes dents.
Je ne suis pas avec toi, ici et maintenant.
J'existe de façon minuscule. J'habite dans mon corps d'un mètre 63.
Dans un appartement minuscule de 21 mètres carré.
Dans une ville minuscule de 160 000 habitants.
Et c'est tout.
- Mathilde Fauve
Flaques aquarelles
Au plafond de la salle vide
- Attendre sans but
- Mathilde Fauve
J'ouvre la fenêtre pour regarder
un arc-en-ciel
Brrr, quel froid!
— Mat Fauve
Craies sur le trottoir
"Non au patriarcaca!"
Manif du 8 mars
- Mathilde Fauve
Encore une fois
Inonder la cavité buccale
Avec de l’eau bouillante
Comme des fantassins moyenâgeux
A travers les brèches de l’aurore
Il s’agit de noyer les assaillants noctambules
Attardés sur la pointe de la langue
Là où dansaient les rêves
Dans leurs tutus acidulés de mousseline
Comme des cheesecakes en ballerines
agitant leurs ailes et leurs crinières de tulle
Fondre dans la saveur de leurs pirouettes
Et de leurs sauts périlleux
que l’on contemple avec l’effroi superstitieux
d’une brisure ou d’un chute
quand seuls les rires volent aux éclats
et se fracassent contre les parois de nacre
Leurs acrobaties rebondissent
telles des bulles arc-en-ciel
dont les reflets tourmalins s’entremêlent
et tournoient en corolles
sous la caresse lutinesque
au rythme hypnotisant
de l’orchestre dantesque
au bal des ardents.
Après toute cette splendeur
Après tant de majesté
de fantaisies chimériques
il faut se résigner
à la cour des miracles
à l’hécatombe du réel
le cœur dans la poussière
la gravité sur les épaules
le regard mécanique
sous la félicité narquoise des panneaux publicitaires
qui vendent des rêves bien terre-à-terre
gardons aux coins de nos paupières
les paillettes opalines de nos chavirées lunaires
— Mat Fauve
J’ai oublié de le dire, mais j’ai publié un article sur l’écriture et le réel, sous mon pseudo Arc-en-slam, en binôme avec une autre slameuse, Slamheureuse dans la revue Timult.
“Le réel nous inspire autant qu’il nous écrase.”
“Nos poèmes sont notre rage et notre révolte qu’on exprime par rimes interposées.”
Si ça vous dit d’y jeter un oeil, vous pouvez trouver la revue à la librairie associative Antigone, 22 rue des violettes à Grenoble, ou sur le site de Timult.
https://timult.poivron.org/11/
Bonne journée !
- Mathilde Fauve
En Canadien, “luciole” se dit “mouche à feu”.
Aux Etats-Unis, “mouche à éclair”.
(Je crois que je préfère “luciole”...)